Un soir, en rentrant chez moi, je me retrouve face à un blocage de ma rame de métro préférée. Ne prenant que mon courage à deux mains, je décide de rejoindre ma prochaine station à pied, en empruntant la plus belle avenue du monde… Les Champs Elysées.
J’arrive au niveau d’une boutique d’une célèbre marque de luxe (je vous aide, les initiales sont LV) et là, un spectacle attire mon attention. Devant la boutique, deux agents de sécurité filtrent les entrées/sorties des nombreux visiteurs. Je m’approche pour regarder la vitrine et à l’intérieur je constate un nombre assez limité de personnes faisant son shopping.
Je me rends compte alors que cette boutique applique un des principes du Kanban… Limiter le flux.
Pourquoi limiter le flux ?
Mais concrètement, à quoi peut bien servir la limitation du flux ? Pourquoi ne pas au contraire l’augmenter pour réaliser plus de choses, travailler sur plusieurs cartes en même temps ?
Réduire le stock et baisser le stress des équipes
Naturellement, nous avons coutume de penser que pour livrer plus vite un produit, il faut travailler sur plusieurs sujets en même temps et ne surtout pas limiter le nombre de tâches à faire à un instant donné. Cela a souvent pour conséquence de générer un flux difficilement absorbable par les différents acteurs d’un projet. En Kanban, l’approche est plus orientée vers le mono-tâche, on travaille sur une carte à la fois, et sur la limite du nombre de cartes à réaliser à un instant T.
L’objectif est donc de limiter le nombre de cartes (en Kanban une carte est un élément de travail à réaliser sur tout le cycle de vie d’un produit) pouvant être présentes dans une phase (activité dans le workflow de réalisation d’un produit) à un instant donné. C’est ce que l’on nomme la limite haute (Il est également possible de définir une limite basse, permettant de garantir une activité minimale sur la phase, mais je ne détaillerai pas cette partie dans cet article).
La limite haute tient compte du nombre de personnes intervenant sur une phase, du moins dans un premier temps. Une limite haute initiale peut être définie de la façon suivante : (Nb de personnes dans la phase x 2) – 1.
Par la suite, cette limite sera à ajuster, en tenant compte de la capacité effective des personnes sur une phase.
Pour ce faire, j’ai pris l’habitude d’utiliser le principe de la Loi de Little :
Le résultat est le nombre idéal de cartes pouvant se trouver dans une phase à un instant donné. La limite basse correspond, en général, à 20% de ce nombre idéal. La limite haute est elle volontairement limitée à 80% du résultat, afin de veiller à ne pas saturer la capacité d’action de l’équipe et lui permettre d’absorber les imprévus.
Le fait d’appliquer une limitation du flux de travail va réduire le stock, ainsi que le niveau de stress des équipes qui n’auront plus le sentiment d’être surchargées.
Livrer plus vite et mieux
La limitation du flux de cartes dans un système Kanban permet également de réduire le temps de passage de celle-ci dans le workflow des phases et par la réduire le délai de livraison d’un produit.
La réduction du cycle de vie d’une carte reste étroitement lié à l’adéquation du flux de travail à la capacité de l’équipe et au principe de travail sur une Carte à la fois.
Pas convaincu ? Bien, prêtez-vous à un petit test.
Exercice pratique
- Prenez 4 post-it qui représenteront un carte Kanban chacun ;
- Réunissez 4 personnes autour de vous ;
- A tour de rôle, chacune des personnes va dire son prénom ;
- A chaque fois que vous entendez un prénom, vous allez inscrire une des lettres le composant, en partant de la première, jusqu’à ce que tous les prénoms soient écrits.
- Bien sûr vous chronométrez l’exercice.
Exemple : 4 prénoms Éric, Pierre, Couthaïer, Laurène
- Premier tour : E sur post-it 1 ; P sur post-it 2 ; C sur post-it 3 ; L sur post-it 4 ;
- Second tour : Er sur post-it 1 ; Pi sur post-it 2 ; Co sur post-it 3 ; La sur post-it 4 ;
- Etc. ;
- Neuvième tour : Eric sur post-it 1 ; Pierre sur post-it 2 ; Couthaïer sur post-it 3 ; Laurene sur post-it 4 ;
- Notez le temps obtenus. Maintenant refaite le même exercice, mais en inscrivant le prénom en entier à chaque fois, ce qui correspondra à un seul tour. Notez le temps obtenu et comparez.
Normalement (je croise les doigts), les résultats montrent un temps 2 à 3 fois moins important sur l’exercice 2 par rapport à l’exercice 1.
La signification est assez simple, le multi-tâche prend plus de temps. La raison est due à la nécessité pour nos cerveaux de se remémorer ou nous étions sur la tâche et refaire un rapide travail d’analyse. Rapide mais qui au final nous prend plus de temps que d’avoir travailler sur une carte à la fois.
Conclusion
Revenons à notre boutique de luxe. Quel est le résultat de la limitation du flux ? :
- Les clients à l’intérieur de la boutique sont à l’aise pour se déplacer dans les rayons ;
- Les clients ont plus de temps et de tranquillité pour choisir les articles ;
- L’attente en cabine d’essayage est raccourci, donc plus d’opportunité d’essayer d’autres articles, donc plus de ventes potentielles pour la boutique ;
- Le niveau de satisfaction des clients est plus important, avec la vision d’un service de qualité ;
- Le flux de travail des vendeurs(euses) et des caissiers(ières) est adapté à leur capacité, ce qui leur permet de travailler dans un environnement agréable, sans stress et qui dit réduction du niveau de stress dit sourire :).
Alors si vous voulez aller plus vite, il est temps de limiter votre flux Kanban.
Note de l’auteur : J’ai à l’origine créé cet article sur le blog Xebia ou vous pouvez le retrouver.